Walter Albardier, psychiatre et praticien hospitalier- CRIAVS Ile de France s'est interrogé sur quels regards sur la société d'aujourd'hui en matière de normes, de représentations et de projections concernant la sexualité. Le sacre de la liberté et de l'intégrité des individus allant de pair avec le déclin des institutions (religieuses, politiques et éducatives), il nous met en garde sur le fait que les enfants ne sont pas des adultes en miniature. Très tôt confrontés sur internet à une sexualité sans désir,  nos jeunes, dont les premières relations sexuelles restent stables depuis des décennies (autour de 17 ans) doivent vivre leur vie d'adolescent et ne pas subir ce décalage permanent entre le rapport au corps qui change et leur âge réel.

Bernard Golse s'est quant à lui centré sur les variables (période de latence) et les invariants (âge, néoténie) de la sexualité des enfants et des adolescents. Dans nos sociétés occidentales nous assistons à un découplage entre la puberté et le pubertaire (le mot puberté est au corps ce que le pubertaire est à la psyché) provoquant des conduites à risque chez les jeunes de plus en plus précocément (suicide chez les moins de 10 ans plus fréquent qu'auparavant).

Puis en deuxième partie de matinée Véronique Leralle, chef de projet en éducation à la santé et à la sexualité - Direction PMI et Santé du conseil départemental de l'Essonne a répondu à la question : et les jeunes qu'en disent ils ? Eh bien ils nous disent que la sexualité est tabou, que les discours hygiénistes de prévention ne sont pas très motivants, qu'ils ont des informations sur ce thème par leur groupe de pair plus ou moins fiables, qu'ils ne parlent pas de sexualité avec leurs parents, et qu'ils bricolent avec ce qui leur parait le plus pertinent. Ils disent également qu'on leur parle de prévention mais pas de sexualité en tant que telle et se posent beaucoup de questions sur la drague, la rencontre, l'acte sexuel. Les adultes doivent donc décaler leur regard afin de les destresser et de lever leurs peurs.

Barbara Smaniatto, maitre de conférence  en psychopathologie et psychologie clinique à l'université de Lyon 2 et psychologue clinicienne au CRIAVS85 a parlé de la sexualité adolescente à l'épreuve de la pornographie. A la croisée de la violence et de la sexualité elle existe depuis toujours mais prend une forme particulière aujourd'hui avec l'explosion des réseaux sociaux. La moitié des adolescents sont confrontés à des images pornographiques avant 13 ans et ce qui était un acte délibéré auparavant ne l'est plus aujourd'hui car ces images apparaissent sur des sites de streaming ou de téléchargement sans que l'enfant ne demande à les voir. Internet a en quelque sorte démocratisé la pornographie. Le rapport au corps devient anxiogène, la femme est considérée comme objet sexuel, les fantasmes voyeuristes brouillent les pistes en matière de sexualité et écrasent l'imaginaire.

L'après-midi portait sur la thématique "sexualité, violences sexuelles : comment s'en débrouiller en protection de l'enfance?". Magali Lavie Badie, juges des enfants au TGI de Bobigny et Léa Qiau substitut du procureur ont redonné les bases juridiques et décrit l'évolution du cadre légal en matière d'agressions et atteintes sexuelles. Le législateur réprime de plus en plus sévèrement, le délai de prescription s'étend dans le temps et dans l'espace. Les infractions sexuelles ont été rappelées :

- le viol : fait par toute personne de commettre un acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise.C'est un crime puni de 20 ans de prison lorsque celui ci est commis sur un mineur de moins de 15 ans

- l'agression sexuelle : toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise. Elle est punie de 10 ans de prison sur un mineur de moins de 15 ans 

- l'atteinte sexuelle  : fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de moins de 15 ans.

Perrine Obonsawin, directrice d'une MECS de la sauvegarde du Val d'Oise et Lionel Bauchot, psychologue clinicien auprès de la Cour d'appel de Grenoble ont témoigné de leur expérience en institutions pris entre le double impératif de contrôle et de maitrise. Comment protéger sans mettre en péril ? Comment mieux entendre ? Comment créer un espace de pensée pour tenir les professionnels éveillés ? L'article de Jean-Louis Bey intitulé "Tchernobyl : une métaphore concernant les sévices des enfants" a été mentionné : https://www.cairn.info/revue-therapie-familiale-2002-3-page-239.htm

Véronique Séhier, coprésidente du planning familial a cloturé cette journée autour de la question de l'éducation à la sexualité.